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Transduction

L'ontogenèse même

À propos du concept

Sources

Signification en génétique

En biologie, la transduction réfère à la transmission de matériel génétique d’un micro-organisme à l’autre par un agent viral, notamment dans le cas d’un bactériophage qui se nourrit de bactéries pour en absorber le code génétique et, par là, se transformer. (Zinder & Lederberg, 1952)

Définition simondonienne

Nous entendons par transduction une opération physique, biologique, mentale, sociale, par laquelle une activité se propage de proche en proche à l’intérieur d’un domaine, en fondant cette propagation sur une structuration du domaine opérée de place en place : chaque région de structure constituée sert à la région suivante de principe de constitution, si bien qu’une modification s’étend ainsi progressivement en même temps que cette opération structurante.

… ; il y a transduction lorsqu’il y a activité partant du centre de l’être, structural et fonctionnel, et s’étendant en diverses directions à partir de ce centre, comme si de multiples dimensions de l’être apparaissaient autour de ce centre ; la transduction est apparition corrélative de dimensions et de structures dans un être en état de tension préindividuelle , c’est-à-dire d’un être qui est plus qu’unité et plus qu’identité, et qui ne s’est pas encore déphasé par rapport à lui-même en dimensions multiples.

La possibilité d’employer une transduction analogique pour penser un domaine de réalité indique que ce domaine est effectivement le siège d’une structuration transductive. La transduction correspond à cette existence de rapports prenant naissance lorsque l’être préindividuel s’individue ; elle exprime l’individuation et permet de la penser ; c’est donc une notion à la fois métaphysique et logique ; elle s’applique à l’ontogenèse et est l’ontogenèse même.

Transduction transindividuelle

L’entrée dans le collectif doit être conçue comme une individuation supplémentaire, faisant appel à une charge de nature préindividuelle qui est portée par les êtres vivants. Rien ne permet en effect d’affirmer que toute la réalité des êtres vivants est incorporée à leur individualité constituée ; on peut considérer l’être comme un ensemble formé de réalité individuée et de réalité préindividuelle : c’est la réalité préindividuelle qui peut être considéré comme réalité fondant la transindividualité. Une telle réalité n’est nullement une forme en laquelle l’individu serait comme une matière, mais une réalité prolongeant l’individu de part et d’autre, comme un monde en lequel il est inséré en étant au même niveau que tous les autres êtres qui composent ce monde. L’entrée dans le collectif est une individuation sous forme de collectif de l’être qui comportait une réalité préindividuelle en même temps qu’une réalité individuelle.

Transduction contre classification

Une telle doctrine suppose que l’ordre des réalités soit saisi comme transductif et non comme classificatoire. Les grandes divisions du réel, notées par les genres dans la théorie hylémorphique, deviennent les phases, qui ne sont jamais totalement simultanées dans l’actualisation, mais existent pourtant soit sous forme d’actualité structurale et fonctionnelle, soit sous forme de potentiels ; le potentiel devient une phase du réel actuellement existant, au lieu d’être pure virtualité. Par contre, ce qui, en thèorie hylémorphique de l’être individué, était considéré comme pure indétermination de la matière, devient série ordonnée transductive ou incompatibilité de plusieurs séries transductives. L’ordre transductif est celui selon lequel un échelonnement qualitatif ou intensif s’étale de part et d’autre à partir d’un centre où culmine l’être qualitatif ou intensif : telle est la série des couleurs, qu’il ne faut pas essayer de cerner par ses limites extrêmes, […] mais qu’il faut prendre en son centre […] La série des couleurs doit être saisie d’abord dans son milieu réel, variable pour chaque espèce ; … ; pour l’être individué, il n’y a pas de matière qui soit pure indétermination, ni de diversité infinie du sensible, mais la bipolarité première des séries transductives unidirectionnelles. Au lieu d’une relation entre deux termes, la série transductive se constitue comme terme central unique se déphasant en deux directions opposées par rapport à lui-même, s’éloignant de lui-même en qualités complémentaires.

Déduction, induction, transduction

La transduction n’est donc pas seulement démarche de l’esprit; elle est aussi intuition, puisqu’elle est ce par quoi une structure apparaît dans un domaine de problématique comme apportant la résolution des problèmes posés. Mais à l’inverse de la déduction, la transduction ne va pas chercher ailleurs un principe pour résoudre le problème d’un domaine: elle tire la structure résolutrice des tensions mêmes de ce domaine, comme la solution sursaturée se cristallise grâce à ses propres potentiels et selon l’espèce chimique qu’elle renferme, non par apport de quelque forme étrangère. Elle n’est pas non plus comparable à l’induction, car l’induction conserve bien les caractères des termes de réalité compris dans le domaine étudié, tirant les structures de l’analyse de ces termes eux-mêmes, mais elle ne conserve que ce qu’il y a de positif, c’est-à-dire ce qu’il y a de commun à tous les termes, éliminant ce qu’ils ont de singulier; la transduction est, au contraire, une découverte de dimensions dont le système fait communiquer celles de chacun des termes, et telles que la réalité complète de chacun des termes du domaine puisse venir s’ordonner sans perte, sans réduction, dans les structures nouvelles découvertes; la transduction résolutrice opère l’inversion du négatif en positif : ce par quoi les termes ne sont pas identiques les uns aux autres, ce par quoi ils sont disparates (au sens que prend ce terme en théorie de la vision) est intégré au système de résolution et devient condition de signification; il n’y a pas appauvrissement de l’information contenue dans les termes ; la transduction se caractérise par le fait que le résultat de cette opération est un tissu concret comprenant tous les termes initiaux; le système résultant est fait de concret, et comprend tout le concret; l’ordre transductif conserve tout le concret et se caractérise par la conservation de l’information, tandis que l’induction nécessite une perte d’information; de même que la démarche dialectique, la transduction conserve et intègre les aspects opposés; à la différence de la démarche dialectique, la transduction ne suppose pas l’existence d’un temps préalable comme cadre dans lequel la genèse se déroule, le temps lui-même étant solution, dimension de la systématique découverte: le temps sort du préindividuel comme les autres dimensions selon lesquelles l’individuation s’effectue.

Épistémologie allagmatique

Le substantialisme de la particule et l’énergétisme de l’onde s’étaient développés assez indépendamment l’un de l’autre au cours du XIXe siècle, parce qu’ils correspondaient, au début, à des domaines de recherches assez éloignés pour autoriser l’indépendance théorique des principes d’explication. Les conditions historiques de la découverte de la mécanique ondulatoire sont d’une extrême importance pour une épistémologie allagmatique, dont le but est d’étudier les modalités de la pensée transductive, comme seule véritablement adéquate pour la connaissance du développement d’une pensée scientifique qui veut connaître l’individuation du réel qu’elle étudie. Cette étude épistémologique de la formation de la mécanique ondulatoire et du principe de complémentarité de Bohr voudrait montrer que, dans la mesure où il s’est agi de penser le problème de l’individu physique, la pensée déductive pure et la pensée inductive pure ont été tenues en échec, et que, depuis l’introduction du quantum d’action jusqu’au principe de complémentarité de Bohr, c’est une logique transductive qui a permis le développement des sciences physiques.
Nous allons en ce sens essayer de montrer que la « synthèse » des notions complémentaires d’onde et de corpuscule n’est pas en fait une synthèse logique pure, mais la rencontre épistémologique d’une notion obtenue par induction et d’une notion obtenue par déduction ; les deux notions ne sont pas véritablement synthétisées, comme la thèse et l’antithèse au terme d’un mouvement dialectique, mais mises en relation grâce à un mouvement transductif de la pensée ; elles conservent dans cette relation leur caractère fonctionnel propre. Pour qu’elles puissent être synthétisées, il faudrait qu’elles soient symétriques et homogènes. Dans la dialectique à rythme ternaire, en effet, la synthèse enveloppe la thèse et l’antithèse en surmontant la contradiction; la synthèse est donc hiérarchiquement, logiquement et ontologiquement supérieure aux termes qu’elle réunit. La relation obtenue au terme d’une transduction rigoureuse maintient au contraire l’asymétrie caractéristique des termes. Ceci a pour conséquence que la pensée scientifique relative à l’individu, physique d’abord, biologique ensuite, comme nous tenterons de le montrer, ne peut procéder selon le rythme ternaire de la dialectique pour laquelle la synthèse est thèse d’une triade plus haute : c’est par extension de la transductivité que la pensée scientifique avance, non par élévation de plans successifs selon un rythme ternaire. En raison du principe de complémentarité, la relation, devenue fonctionnellement symétrique, ne peut présenter par rapport à un autre terme une asymétrie qui puisse être le moteur d’un cheminement dialectique ultérieur. En termes de pensée réflexive, la contradiction est, après l’exercice de la pensée transductive, devenue intérieure au résultat de la synthèse (puisqu’elle est relation dans la mesure où elle est asymétrique). Il ne peut donc y avoir une nouvelle contradiction entre le résultat de cette synthèse et un autre terme qui serait son antithèse. Dans la pensée transductive, il n y a pas de résultat de la synthèse, mais seulement une relation synthétique complémentaire; la synthèse ne s’effectue pas; elle n’est jamais achevée ; il n’y a pas de rythme synthétique, car, l’opération de synthèse n’étant jamais effectuée ne peut devenir le fondement d’une thèse nouvelle.
Selon la thèse épistémologique que nous défendons, la relation entre les différents domaines de la pensée est horizontale. Elle est matière à transduction, c’est-à-dire non à identification ni à hiérarchisation, mais à répartition continue selon une échelle indéfinie.
Les principes que nous allons tenter de dégager de l’examen épistémologique devront donc être considérés comme valables s’ils sont transductibles à d’autres domaines, comme celui des objets techniques et celui des êtres vivants. L’éthique elle-même devra apparaître comme une étude de la relation propre aux êtres vivants (nous employons ici l’expression « propre aux êtres vivants » alors qu’en réalité il n’y a pas en toute rigueur de relation directe aux êtres vivants: il vaudrait mieux dire pour être exact: « à la mesure des êtres vivants », pour indiquer que ces caractères, sans être propres aux être vivants, se manifestent de manière beaucoup plus importante en eux qu’en tout autre être, étant donné qu’ils correspondent à des variables dont les valeurs ou les systèmes de valeurs passent par un maximum pour ces êtres). Il est certain que dans une pareille doctrine, les problèmes relatifs aux frontières entre les « règnes » de la Nature, et à plus forte raison entre les espèces, sont beaucoup moins capitaux que dans une théorie utilisant les notions de genre et d’espèce. On peut en effet concevoir tantôt une transition continue entre deux domaines qui ne pourront être séparés que par le choix assez arbitraire de grandeurs moyennes, tantôt des seuils (comme le seuil de fréquence de l’ effet photoélectrique), qui manifestent non une distinction entre deux espèces, mais simplement une condition quantique de production d’un effet déterminé. La limite n’est plus alors douée de propriétés singulières et mystérieuses; elle est quantifiable, et constitue seulement un point critique, dont la détermination reste parfaitement immanente au phénomène étudié, au groupe d’êtres analysés.